Carte postale #5 Je mets les pieds dans le plat et vous raconte pourquoi A Little Life n'est pas un bon livre (pour moi)
Cher vous, il a neigé (encore) ce matin, les bourgeons verdissent doucement, j'ai regardé deux fois Adolescence et commencé à reporter (un jour) des chaussures légères
Hep hep hep ! Vous pensiez que je vous avais oublié ? Que nenni, je suis bien là ! Me revoici pour une cinquième édition de ma Carte Postale désormais mensuelle (à partir de 5 on peut se dire que ça y est le rendez-vous est pris ?).
Le printemps commence enfin à tout doucement arriver (je ne me réjouis pas trop vite une dernière tempête de neige peut arriver à tout moment), cette semaine j’ai porté pendant une journée des chaussures plus légères que mes bottines (victoire !), j’ai aperçu les premiers crocus pointer le bout de leurs pétales et si les arbres sont encore tristement nus, je sais qu’à la carte postale prochaine je pourrai enfin vous dire que ça y est, on y est !
Et puisque je suis toujours très preneuse de vos recommandations à vous, n’hésitez pas à nous partager ce que vous avez lu/créé/regardé/écouté dernièrement dans les commentaires !
I Hope This Finds You Well de Natalie Sue
Je me promets à moi-même de lire plus dans les semaines à venir, c’est tout de même bien terrible quand j’ai le cerveau trop encombré par le travail je me transforme en pomme de terre qui ne tourne pas beaucoup de pages une fois le soir venu. J’ai cependant lu ce livre là qui était encore dans la section des livres en rabais ET des livres que j’avais envie de lire dans la boutique en ligne de ma Kobo. On y suit Jolene, coincée dans un boulot qu’elle n’aime pas avec des collègues qu’elle n’aime pas et qui a trouvé comme parade le fait de rajouter à la fin de ses mails des PS dans laquelle elle leur dit ce qu’elle pense secrètement, en passant en blanc le texte pour que ça ne se voit pas (impossible si quelqu’un utilise un client mail passant en dark mode mais pour la cohérence de l’histoire j’imagine que le dark mode n’existe pas). Vous vous en doutez, l’histoire démarre parce qu’elle oublie de passer en blanc un énième PS pas très respectueux. En phase de potentiel licenciement, elle doit se conformer à une formation de sensibilité auprès du nouveau RH de son entreprise et son ordinateur subit une restriction de ses emails… qui lui donne en réalité accès à l’intégralité des boîtes mails de l’entreprise.
Typiquement le genre de livres que j’aime avoir dans ma pile à lire quand j’ai zéro énergie, ce n’est pas LE livre de l’année mais pour un premier roman je l’ai trouvé très chouette, j’ai passé un bon moment à le lire et il m’a permis de pouvoir faire une passerelle vers ma lecture suivante, j’ai nommé A Little Life.
A Little Life de Hanya Yanagihara
Deux salles, deux ambiances avec la lecture du dessus. Je me suis enfin attaquée à ce livre qui est dans les livres auxquels je veux me coller depuis plusieurs années MAIS c’est un livre qui a une liste de Trigger Warnings longue comme le bras et au moment où j’en ai entendu parler j’étais en pleine dépression et selon moi, ce n’était peut-être pas la période idéale pour le lire. Sitôt remise sur pieds, pour fêter l’arrêt de mes anti-dépresseurs qu’ai-je fait ? Lu A Little Life 🎉
Quel. Enfer. Ce n’est pas que je n’ai pas aimé parce que ce serait mentir, j’ai aimé le lire, j’ai beaucoup aimé découvrir les personnages et les suivre tout au long de leur vie ainsi que suivre l’évolution de leurs relations mais pour ce qui est de l’étalage de traumas pendant absolument tout le long du livre, dire que je suis perplexe serait un euphémisme. Je me connais je suis certaine que je vais oublier de mentionner plein de choses mais (malgré la longueur de ma critique) j’ai essayé d’être concise (plus ou moins).
A Little Life a été publié en 2015 et a été écrit par Hanya Yanagihara, une autrice hétéro et valide (ça a son importance). C’est un livre qui a rencontré un succès énorme, notamment auprès d’une population assez jeune (mais pas que) et en ayant en tête les thématiques abordées dans le livre, je voulais le lire pour voir pourquoi il est autant encensé. Et je l’ai lu. Et je n’ai pas aimé. Je pourrais m’arrêter là mais je voulais vous expliquer pourquoi je n’ai pas aimé (et que c’est un peu plus subtil que ça parce qu’en soit je n’ai pas non plus détesté ou passé un mauvais moment, j’avais tout de même envie de connaitre la suite) et qu’il ne s’agit pas juste d’une affaire de goût personnel pour ce livre ci. Bien entendu c’est une critique complètement personnelle et je n’ai ni raison ou tort, pas de jugement de mon côté si vous avez adoré le livre, je trouve cependant important d’en parler et d’apporter un autre avis pour contrebalancer la grande majorité d’avis hyper-positifs à son sujet et expliquer pourquoi ce n’est pas juste une question de j’aime/j’aime pas mais plus une question de comment les sujets de ce roman sont traités. J’ai vraiment toujours l’impression que quand des livres sont à ce point encensés on perd complètement toute notion de mesure et de recul et qu’il FAUT les adorer (et se filmer sur TikTok en pleurs…) et que si on ne l’a pas aimé c’est qu’on ai passé à côté/qu’on est moins bien que les autres/complétez la liste.
Dans ce livre, on suit donc principalement la vie de 4 personnages, Jude le personnage central, Willem, Malcolm et JB. On les rencontre pendant leur vingtaine pendant qu’ils galèrent encore et sont tous en proie à trouver le sens de leur vie. Le livre se déroule tout au long de leur vie mais surtout tout autour de la vie de Jude via des flashbacks continus qui nous montrent qu’il a subi les pires horreurs depuis sa plus tendre enfance jusqu’à l’âge adulte, et plus encore. Je vous ai listé tout en bas de mon avis la liste de tous les trigger warnings présents dans ce livre. Je trouve que ce n’est plus une question de ne pas spoiler mais de s’assurer que sa lecture ne va pas déclencher des réactions psychologiques graves et inciter à des comportements destructeurs envers soi-même. Je sais que ce sujet là peut faire débat et qu’il y a un peu deux teams à ce sujet. Celles qui ne veulent pas connaitre en amont et celles (dont je fais partie) qui veulent en être informées. Beaucoup de personnes n’aiment pas avoir des trigger warnings en amont d’un livre, d’une série ou d’un film, mais pour ma part, les scènes de violence et de suicide me rendent très mal et je préfère être au courant avant pour pouvoir savoir que je dois m’en protéger plutôt que d’y être confrontée sans être au courant au préalable. Attention mon avis sans donner de détails précis constitue un immense spoiler !
Cette micro-parenthèse un peu trop longue faite, passons au livre !
À mes yeux, A Little Life c’est 700+ pages de fétichisation d’événements traumatiques et également une énorme partie de fétichisation d’agressions sexuelles et pour être encore plus précise, de pédocriminalité (Jude semble avoir un truc avec le fait de ne tomber par hasard que sur des pédocriminels, ok avec le fait que l’on puisse aisément se retrouver dans des relations abusives si l’on ne connait que ça et que l’on puisse avoir tendance à reproduire certains schémas, mais là ce n’est même plus que ça, le mec a juste la poisse ou alors l’intégralité des citoyens des USA n’est constitué que de pédocriminels), avec par dessus tout ça un acharnement tellement intense sur un personnage que ça en est devenu à mes yeux complètement grotesque. On ne lit pas des livres pour que tout soit réaliste dedans, ça je suis bien d’accord, mais dans celui-ci, l’histoire est faite pour être réaliste et ne l’est pourtant pas du tout. Je m’attendais donc à un minimum de cohérence et de sensibilité… et rien de tout ça.
J’ai trouvé l’autrice particulièrement problématique dans la façon de mettre en valeur le fait de ne pas croire au bénéfice de la thérapie et de plus, que suggérer que la seule réponse à la souffrance est la souffrance et, dans le pire des cas, la mort. Ce n’est d’ailleurs même pas uniquement un ressenti de lecture personnel puisqu’elle a dit elle même en interview qu’elle n’a fait aucune recherche autour de la santé mentale, de la pédophilie et de la scarification et qu’à ses yeux la thérapie est inutile. Elle n’était même pas obligée de le dire tellement ça se sent. Son regard de personne valide et validiste est incroyablement présent : tout au long du livre ce n’est même pas suggéré et lorsque l’on écrit à propos de sujets si grave, avoir au minimum une certaine connaissance de la thérapie, de la fonctionnement d’une personne post-trauma, de comment une thérapie peut se dérouler, de toutes les approches possibles et de ne surtout pas croire que l’on va en thérapie pour « que quelqu’un nous répare » aurait aidé à donner à ce livre un peu plus de cohérence, de consistance et de sensibilité.
C’est ce qui est grave et dangereux à mes yeux puisque l’on vient toutes et tous avec nos propres bagages et des images en tête autour de n’importe quel sujet, images qui ne représentent en réalité pas ce que ces sujets sont réellement. Si je devais écrire à propos de la paléontologie par exemple, sans aucune recherche autour j’écrirais forcément n’importe quoi puisque je ne me baserais que sur les idées préconçues que j’ai, les clichés que j’ai en tête. Mais ça ne serait pas si grave (au delà de faire du tort à la communauté scientifique) puisque ma vision de la paléontologie ne suggèrerait à personne qu’il vaut mieux mourir que vivre si l’on souffre trop. Ici, l’autrice est une femme, n’a pas de problèmes de santé mentale, a essayé une fois la thérapie et l’a trouvée « inutile » et n’est pas homosexuelle. Autant de sujets autour desquels elle aurait dû se renseigner pour ne pas donner l’impression qu’elle vaut mieux que ça et que ses idées préconçues ont de la valeur. Il ne faut pas à tout prix vivre quelque chose pour pouvoir écrire à son propos mais justement, si l’on n’a pas de lien personnel avec un sujet, se renseigner pour compenser et connaître le moins d’impairs possible me semble être le minimum.
Dans ce livre, elle ne parle pas de paléontologie, de jardinage ou de sujet qui ne serait pas délicat : elle parle de traumatismes, de pédocriminalité et de relations homosexuelles (avec un grand pan d’homophobie internalisée je trouve mais, comme pourrait le dire un cinquantenaire en bio d’un réseau social “mon avis n’engage que moi”) sans faire l’effort de faire des recherches autour de l’impact du traumatisme sur le fonctionnement d’une personne. Ce que Hanya Yanagihara pense et fait passer à travers ce livre c’est que certaines personnes sont trop brisées pour continuer de vivre. C’est exactement ce qui constitue le socle du débat autour du droit ou non à l’euthanasie et pourquoi ce sujet est si complexe. C’est un point de vue terriblement validiste qui amplifie à mes yeux le fait qu’une large partie de la population ne mérite pas de vivre aux yeux de la société. C’est un cliché incroyable de créer tout un personnage autour du fait qu’il soit « cassé et irréparable ». Suggérer qu’il n’y a rien à faire, c’est ne pas encourager et mettre en valeur le fait que même si l’on se pense « brisé » (et on le pense très facilement lorsque l’on est au fond du trou et dans un état mental si délicat que tout est propice à être déclencheur), il y a des moyens d’arranger les choses. Dans plein de cas on n’a pas envie d’aller mieux, c’est toute la particularité du fait d’aller mal, mais tout n’est pas perdu. Ça prend du temps, de l’énergie que l’on n’a pas toujours, des ressources économiques également (Jude est RICH AS FUCK et n’utilise ni sa richesse pour essayer d’aller mieux, ni sa richesse pour au moins essayer d’aider des organismes autour de la protection de l’enfance à faire en sorte que d’autres personnes ne subissent pas ce qu’il a subit) mais tout n’est pas toujours foutu. Pas de telle sorte à revenir comme à zéro sans traumatismes comme sur une page blanche mais il y en a et la thérapie et un accompagnement médical sont l’une des clefs pour faire en sorte que quelqu’un puisse aller mieux. La thérapie n’est pas là pour effacer le vécu de quelqu’un mais là pour l’aider à trouver des moyens de faire en sorte de cohabiter de mieux en mieux avec pour que ce vécu l’impacte de moins en moins dans le quotidien. Je n’estime pas avoir la connaissance absolue de la thérapie et que mon avis a plus de valeur qu’un autre, pas du tout, mais j’estime avoir au moins bien plus de connaissances que l’autrice à ce sujet de par ma propre expérience de la thérapie, de la dépression, du trauma et de la façon dont on se construit par dessus et de la santé mentale de manière générale et rien que ça, c’est déjà beaucoup.
Le fait de s’acharner à ce point sur un homme gay (donnant l’impression que les hommes gays n’existent que par les relations sexuelle qu’ils ont et ici plus particulièrement par le grooming1 et le viol, ce qui arrive évidemment en vrai mais qui ne constitue pas non plus uniquement une norme ou l’intégralité de la vie de chaque homme gay sur terre, corrigez-moi si je me trompe mais il ne me semble pas que l’intégralité des hommes gays ait vécu du grooming dans sa vie) et de rajouter couche sur couche de traumas qui au bout d’un moment n’ont plus aucune cohérence m’a juste fait lever les yeux au ciel de bout en bout. Et je ne dis pas ça dans le sens que tout ce qui lui arrive ne peut pas arriver en vrai parce que ce n’est pas le cas, les sujets abordés sont des vrais sujets et sont trop peu discutés de manière générale. Mais la façon dont c’est fait n’apporte rien. Le début du livre intrigue parce qu’on en sait encore suffisamment peu sur chacun des personnages et qu’il y a suffisamment de mystère pour continuer de lire pour en savoir plus, je dirais que le début est la seule vraie bonne partie, les personnages ont un peu de texture, on apprend à les connaître… Mais une fois que la Boite de Pandore des traumas a été ouverte c’était foutu et alors là, j’ai juste eu l’impression de lire un catalogue décrivant à la fois un personnage qui a subi les pires horreurs tout en ayant à côté une vie sociale et professionnelle pleines de succès (et quand je dis pleine de succès on parle ici de personnages reconnus par leurs pairs et millionnaires).
Oui effectivement que quelqu’un qui va mal et a pu subir des traumatismes peut se dire qu’iel ne mérite pas le bonheur, mais pas dépeint de cette façon et pas appuyé au point d’avoir l’impression que la seule issue souhaitable pour quelqu’un dans cette situation ou quelqu’un de simplement handicapé est de souffrir encore plus, de n’avoir aucune aide ou bien de souhaiter en finir.
D’un point de vue relationnel, je n’ai trouvé aucune cohérence non plus dans la façon dont les liens entre les personnages sont tissés. Dans la vraie vie, mentir à répétition à des gens qui t’aiment, se faire du mal en boucle, refuser toute aide médicale et ce pendant plusieurs décennies ne peut que résulter sur le fait que les personnes finissent par abandonner parce que les gens qui nous entourent ne sont pas et ne doivent pas être nos thérapeutes. C’est toujours ce que l’on dit quand quelqu’un va mal, que ce ne sont pas les personnes proches qui doivent aider mais que faire appel à quelqu’un d’extérieur, dont c’est le métier, qui a les outils pour et les connaissances nécessaires pour ne pas faire empirer la situation est nécessaire et ce notamment pour ne pas non plus faire plonger l’entourage à son tour qui a aussi le droit de vouloir préserver sa santé mentale.
Je ne comprends sincèrement pas tout l’engouement autour de ce livre qui n’a à mes yeux aucune cohérence et qui résulte juste d’un souhait d’écrire des scènes traumatiques et des scènes graphiquement hyper explicites d’automutilation de bout en bout en ne se servant des traumatismes du personnage que comme d’un moyen de donner de la texture au dit personnage… à défaut de pouvoir le faire d’une autre manière et d’écrire un livre correct qui se tiendrait. Pour autant je ne lis pas des livres pour avoir à tout prix une fin heureuse, il y a des livres infiniment tristes qui sont excellents et qui ne se finissent pas bien pour autant. Mais ici, même lorsque l’on pense que tout semble s’arranger il s’avère qu’en fait non, rajoutant une couche supplémentaire d’acharnement avec pour fin un feu d’artifice (imagé) improbable et catastrophique.
On pourrait penser du point de vue de quelqu’un ayant adoré le livre que je n’ai aucune empathie, compassion ou aucune sensibilité parce que je n’ai rien ressenti en lisant l’étalage d’événements de vie traumatique de Jude mais à mes yeux, pendant tout le livre c’est de l’autrice dont j’ai ressenti une absence totale d’empathie et l’impression qu’elle a joué tout le long à faire souffrir le plus possible un personnage en cochant des cases sur une to-do-list du trauma sans y chercher la moindre cohérence. Le message du livre c’est donc ça, que certaines personnes seraient mieux mortes. Et je ne comprends pas comment un tel livre peut être à ce point encensé parce qu’un message pareil est dangereux et irresponsable. Un livre n’a pas besoin de 700 pages pour être considéré comme bon et on ne devrait pas avoir le droit d’écrire n’importe quoi sans essayer d’y mettre un minimum de respect à l’intérieur.
Est-ce que ce livre devrait être conseillé à tout le monde ? Surtout pas, et encore moins conseillé sans lister au préalable la liste de trigger warnings. Un livre n’a pas besoin de décrire avec le plus de détails possible pendant 700 pages la meilleure manière de s’auto-mutiler ou la meilleure façon de se suicider pour être un livre qui parle de santé mentale (je pense notamment à la scène de suicide dans 13 Reasons Why qui à l’époque m’avait rendue particulièrement mal et que j’aurais aimé ne pas voir par exemple).
Est-ce que j’ai aimé ce livre ? Oui et non, ça aurait pu être un bon livre, il aurait pu être bien développé, la trame de l’histoire est en soi intéressante… mais c’est tout. Ça aurait pu être un bon livre si il avait été écrit par quelqu’un d’autre. Il semblerait que son premier livre traite également d’un homme gay ayant été abusé… peut-être qu’il aurait été judicieux d’aborder d’autres thématiques comme le jardinage par exemple.
Dans ce livre vous trouverez donc : abandon d'enfant, abus d'enfant, viol d'enfant, drogue, violence domestique, troubles alimentaires, abus émotionnel, emprise psychologique et humiliation, gaslighting, grooming, manipulation, pédophilie, séquestration, abus physique, prostitution, racisme, viol, automutilation (décrite de manière très (très) explicite), abus sexuel, agression sexuelle, discours autour du suicide, homophobie internalisée
Ce qui m’a particulièrement occupée c’est la rédaction de ma newsletter d’avril dans laquelle je vous parlais d’IA et plus particulièrement d’IA générative. J’étais très contente de passer du temps à écrire autour de ce sujet là et j’ai aussi été vraiment heureuse de voir son accueil et de pouvoir vous donner un angle un peu différent de celui majoritairement abordé (en tout cas en dehors de ma propre communauté). On entend beaucoup parler de son impact environnemental et très peu de l’éthique et je trouvais important d’apporter un peu plus de poids de ce côté là alors merci pour tous vos retours, vos partages et vos mentions. J’adore écrire ici parce que je n’ai aucune attente de statistiques et pour une fois ça fait du bien de ne pas regarder les chiffres mais ça me fait toujours hyper plaisir si un texte que j’écris peut parler à d’autres personnes.
Si vous ne l’avez pas encore lue, elle est disponible par ici :
No. 25 Non, ChatGPT et l'Intelligence Artificielle ne font pas de vous un·e artiste.
The English version is available here
Adolescence sur Netflix
Un ami m’en a parlé (le même qui m’avait conseillé Bad Sisters) puis j’ai vu passer un post Insta en parler également (que je n’ai pas lu puisque je voulais garder mon esprit intact) alors ni une ni deux, puisqu’on a toujours Netlflix (je songeais à ce que l’on stoppe l’abonnement c’est compliqué) je me suis lancée dans le visionnage et quelle claque ! C’est une mini-série de quatre épisodes d’environ une heure chacun qui se placent chacun à un moment différent de l’inculpation de Jamie, un adolescent de 13 ans accusé du meurtre d'une fille de son école. Une seule question tout le long, que ce soit de sa famille, des enquêteurs comme de sa thérapeute : que s’est-il vraiment passé, pourquoi ?
D’un point de vue technique, chaque épisode a été filmé en un seul plan séquence et c’est fascinant de mise en scène pour réussir à ne jamais l’interrompre tout en servant complètement au propos de la série en créant une continuité parfaite entre chaque plan.
Je l’ai trouvée absolument excellente (je l’ai vue au final deux fois, je l’avais d’abord regardée seule et ai incité Flavien à la voir en l’accompagnant), c’est à mon sens une série qui doit absolument être montrée à des parents mais aussi à des adolescents autour du même âge que le personnage principal je dirais. C’est toujours compliqué je trouve de résumer ce genre de série parce que je crains toujours d’en dire trop alors si vous ne l’avez pas encore vue et que vous ne souhaitez pas non plus trop en savoir, scrollez un peu pour éviter de lire le paragraphe en italique ci-dessous, on se retrouve juste après pour la suite de ma lettre !
Aborder la question de l’influençabilité des adolescents — tout en la mettant en parallèle avec le fait que l’accès aux réseaux et à internet de manière générale leur donne très aisément accès à des sphères elles-mêmes influencées par des figures masculinistes telles qu’Andrew Tate (mentionné explicitement dans la série) — est plus qu’important. On le voit très bien dans la série dans le tout dernier épisode, lorsque les parents effondrés se demandent ce qu’ils auraient pu faire de mieux tout en se rassurant en se disant qu’ils n’auraient pas pu faire plus. Ce moment met en valeur que sans le savoir ils masquent complètement le fait que Jamie avait accès en continu, depuis l’enceinte de sa chambre, à internet et à ces cercles masculinistes et que c’est par ce biais là que tout s’est déclenché, que l’enceinte d’apparence sécurisante d’une chambre ne l’est pas forcément. Le terme Incel est plusieurs fois prononcé pendant la série et j’ai trouvé ça parfait de pour une fois ne pas tourner autour du pot et de nommer explicitement ce dont on ne parle pas, d’aborder les codes masculinistes et la façon dont ils s’immiscent très facilement dans la tête des adolescents dans des moments de faiblesse, de solitude et de manque de confiance en soi (ici on ne parle que de l’adolescence mais on sait bien que c’est le même mode que pour les adultes), la rupture de compréhension desdits codes entre adultes et adolescents. J’ai trouvé l’épisode trois également incroyablement marquant, le dialogue entre Jamie et la thérapeute en charge du dossier de son jugement donne des sentiments très ambivalents, passant à la fois de la compassion face à un adolescent visiblement perdu tout en étant franchement effrayant en entendant dans ses mots percer les discours masculinistes qu’il a pu absorber ainsi que son rapport et son regard déjà désastreux sur les femmes du haut de ses 13 ans. L’acteur Owen Cooper (pour qui c’était le tout premier rôle dans une série !) est fabuleux et Erin Doherty jouant la thérapeute interprète le rôle à merveille, chaque épisode est fabuleux mais celui-ci vraiment ! On entend toujours qu’internet est dangereux, qu’il suffit de ne pas laisser libre accès aux adolescents et bien que n’ayant ni enfant ni adolescent, je trouve toujours que ces discours là sont un peu faciles car ça traite le problème comme quelque chose de très binaire : un problème = une solution. Pourtant on sait bien que ça ne fonctionne pas comme ça dans les faits, qu’il ne suffit pas d’empêcher pour faire en sorte que les dangers disparaissent, mais plutôt (et j’imagine bien que dans la réalité c’est plus complexe que ça) de parler, de nommer et de ne pas rendre tabou ce qui est dangereux et peut mener à de vrais drames. Les acteurs sont excellents, le fait que l’on passe d’épisode en épisode à des moments différents de l’enquête tout en suivant différents personnages autour de la même trame
En complément (après avoir vu la série) je vous recommande cette toute petite vidéo qui traite de l’épisode 3 :
Ainsi que celle-ci super intéressante abordant tout l’aspect technique autour des fameux plans séquence pour chacun des épisodes !
Toxic Town sur Netflix
C’est ce même ami (encore) qui m’a conseillé cette autre mini-série après Adolescence et sur le même format elle ne dure que 4 épisodes et traite par contre d’un fait réel. Elle se déroule dans la petite ville de Corby au nord de l’Angleterre, rendue connue par l’installation d’une des plus grandes aciéries du Royaume Uni dans les années 1930. On suit dans cette mini-série la lutte de femmes cherchant à prouver que le conseil municipal est responsable d’une exposition à des poussières toxiques lors de l’opération de réaménagement du site de l’ancienne aciérie, provoquant des malformations congénitales aux bébés de ces femmes alors enceintes à ce moment là. Le casting est très chouette et j’aime vraiment bien ce format de mini-série pour aborder une histoire vraie sans s’éterniser sur 10 épisodes. L’histoire ne me disait que vaguement quelque chose et j’ai trouvé hyper intéressant de mieux la connaître sous l’angle de trouver des preuves pour obtenir gain de cause.
Noémie Memories sur Youtube
Dans un tout autre registre, le midi en mangeant j’aime toujours beaucoup aller fouiller sur Youtube pour regarder ce que je pourrais mettre en même temps et dernièrement je mets toujours les vlogs de Noémie. Je la suis (on se suit mutuellement ?) depuis quelques années et j’aime beaucoup suivre son quotidien et je suis très contente qu’elle ait lancé sa chaine YouTube ! C’est doux, calme, j’aime le fait qu’elle incite à se mettre à la création et qu’elle partage ce qu’elle fait au quotidien et sa mise à la pratique de la peinture en plus de montrer les coulisses de sa boutique en ligne ouverte l’an dernier regroupant son amour pour la papeterie et le Japon (Noémie a rencontré son mari au Japon lorsqu’elle y vivait encore, ils vivent désormais à Amsterdam avec leurs deux petites filles).
Pas de podcast cette fois ci mais plusieurs morceaux écoutés ces dernières semaines ainsi que l’album de Waxx reprenant avec plein d’autres artistes des classiques.
Sur ce, on est à la fin de cette nouvelle Carte Postale, toutes les précédentes Cartes sont regroupées ici si vous souhaitez les rattraper :)
Comme d’habitude prenez bien soin de vous, et à tout bientôt !
La description faite par Wikipédia du Grooming est : La sollicitation d’enfants à des fins sexuelles, ou pédopiégeage (communément appelé par le terme anglais grooming), est « une pratique où un adulte se « lie d’amitié » avec un enfant (de manière générale en ligne, mais le pédopiégeage hors ligne existe également) dans le but de commettre des abus sexuels à son encontre ». L'adulte cherche à se rapprocher d'un enfant et à instaurer avec lui une relation affective, voire parfois aussi avec sa famille, pour lever les inhibitions de la victime dans l'intention de perpétrer des abus sexuels.
*se promet de revenir lire ta review plus tard quand j'aurais moi même terminer de lire ce pavé qui dort sur ma table de chevet*
Merci pour tes reco et cet avis développé sur A Little Life :)