No 23. Je regarde les étoiles au plafond et je ne sais pas de quoi l'avenir serait fait
Saison 3, épisode 2 - Celui où l'on pense au futur et où l'on se pose mille questions
Hello ! Je suis Florence, franco-canadienne vivant à Montréal depuis 2018. Au quotidien j’aime aussi écrire et partager ce à quoi je pense : vous savez, toutes ces pensées qui tournent en boucle lorsque l’on s’endort ? Ici, c’est ça ! Je suis ravie de vous voir ici alors merci de partager ce moment avec moi ! Pour me soutenir vous pouvez vous abonner à ma newsletter et en choisissant un abonnement payant, vous contribuez directement à me soutenir et à faire perdurer cet espace d’écriture.
Pendant que j’écrivais cette newsletter j’ai notamment écouté…
L’autre soir, j’étais allongée sur mon lit à regarder les étoiles phosphorescentes nouvellement accrochées au plafond de ma chambre (le fait d’avoir plus de 30 ans ne devrait pas nous empêcher d’avoir des étoiles au plafond de notre chambre, pas vrai ?) et je me sentais perdue. Je ne sais pas si c’est l’hiver, la période, l’âge, la vie ou le monde (tout ça à la fois, j’imagine) mais ça n’allait pas (trop).
Ça n’allait pas mais pas comme lorsque j’étais en dépression — je vais depuis bien mieux que ça, il se pourrait même que j’essaye dans quelques mois de laisser de côté mes antidépresseurs juste pour voir, et je sais reconnaître les moments où je suis triste tout en allant bien de ceux où ça va mal parce que ça va vraiment mal — ça n’allait juste pas parce que je me sentais un peu perdue.
Je ne suis pas quelqu’un qui a de grandes certitudes, j’en avais parlé dans une très ancienne lettre, de l’incertitude, mais parfois j’aimerais qu’il en soit autrement. Que je sois quelqu’un qui sait ce qu’elle aime, ce qu’elle a envie de manger le soir, quel est son livre, sa série, son film ou son artiste préféré·e. Qui sait dire catégoriquement ce dont elle a envie sans devoir aller fouiller dans ses intérêts à la recherche d’une réponse qui n’existe pas.
J’étais allongée sur ma couverture, je regardais les étoiles au plafond et j’expliquais à Flavien, mon compagnon, que j’étais perdue et que j’avais besoin de savoir de quoi allait être fait la suite. Et je me suis mise à pleurer silencieusement sans m’y attendre. Vous savez ? Ces larmes qui coulent sans bruit et sans prévenir, vous surprenant vous-mêmes de leur venue car même votre gorge n’était pas serrée pour en indiquer leurs prémices.
Vous n’êtes même pas triste, votre tête l’est juste indépendamment de vous sans vous informer de son agenda.
J’ai 32 ans, ce n’est pas si vieux ce n’est pas ça le problème, mais j’ai l’impression qu’il y a des choix et des compromis à faire et je suis paniquée. Parce qu’on a beau dire d’un ton assuré que non, il n’y a pas de choix à faire, quand même si un peu, non ? Paniquée parce que personne ne peut lire l’avenir et que parfois, ça aurait peut-être un côté un peu plus rassurant de moins naviguer à l’aveugle. D’avoir un calendrier mental avec des petites croix dessinées en rouge pour indiquer quels seraient les moments clefs de l’avenir, ou bien une carte de navigation avec les caps à tenir. Je sais que dans quelques années je repenserai probablement à ce moment là en me disant “je sais ce qu’il s’est passé ensuite”, comme lorsque l’on revoit une série en sachant précisément quels sont les épisodes qui auront un impact sur la suite de l’histoire. Comme lorsque je repense à lorsque j’ai fait tels ou tels choix quelques années en arrière avec mon savoir d’aujourd’hui et dans un sens, c’est réconfortant de savoir qu’il y a quelque part dans le futur notre Nous qui sait et qui nous observe en ayant en tête les caps qui vont venir. Mais en attendant… je ne sais pas.
Cela fera 7 ans que l’on vit au Canada cette année, 7 ans c’est beaucoup et c’est peu en même temps mais c’est suffisamment pour se demander de quoi sera faite la suite. C’est deux mandas pas encore terminés de Macron (c’est LONG), c’est 3 présidents différents aux USA (enfin 2 techniquement, et si je dis 3 c’est parce que l’on est arrivés en 2018 lorsque Trump débutait son premier mandat), c’est ce que l’on nomme chez l’enfant être l’âge de raison, c’est deux tiers (environ, ne me demandez pas de calculer je suis nulle en maths, y compris en fractions on ne peut pas tout savoir faire, je sais dessiner c’est déjà pas si mal) de notre vie ensemble avec Flavien… bref 7 ans c’est un petit bout de vie à l’intérieur d’une grande vie tout de même même. On s’était toujours dit sans que ce soit forcément un plan hyper figé “ok, on obtient notre résidence permanente puis notre citoyenneté et ensuite, ensuite on verra”.
Je suis depuis devenue Canadienne… et maintenant alors ? Quoi ?
Je trouve que c’est un sujet compliqué à aborder sur internet parce que l’on se heurte souvent à des personnes pleines de certitudes et pourtant manquant de beaucoup d’empathie et de compréhension. En tout cas à mes yeux et selon ce que je recherche dans mes relations humaines. Ou bien des personnes qui n’ont pas assez de tout ça à mes yeux quand dans ces cas là j’ai juste besoin d’écoute ou de sentiments partagés. De ces “je comprends, c’est pas facile” sans jugement.
Souvent, ce seront ces personnes qui diront d’un ton heurtant et un peu blessant “bah, t’as qu’à rentrer alors si t’aimes pas ta vie !” ou bien “moi je me sens chez moi ici, de toute façon je savais à quoi m’attendre en venant, on sait bien que l’hiver il fait froid !” sans même que la question de l’hiver ne soit évoquée, comme si c’était la seule chose qui puisse exister et que la vie n'était en réalité pas faite de pleines de nuances. Et que si tu ne sais pas trop où tu en es, c’est que tu ne mérites pas en retour d’avoir un peu de compassion.
Mais moi, je ne savais pas à quoi m’attendre parce que je n’avais fait aucun plan, parce que personne ne sait à quoi s’attendre dans la vie, que l’on ne sait pas ce qu’il va se passer en traversant ce passage piéton, que l’on ne peut savoir avec précision de quoi sera fait notre vie l’année d’après ou que l’on ignore tout du plus long terme. Et même si par miracle on est plein de certitudes et de grands plans de vie, au fond on ne peut jamais vraiment savoir. Alors je n’évoque pas le sujet parce que souvent, remettre en question un fait établi, émettre des doutes, des incertitudes et des peurs c’est nul, c’est preuve de faiblesse et ça craint parce que c’est vu comme un échec. Mais du coup, j’ignore tout et ça m’angoisse un peu.
Poser et se poser des questions fait souvent un peu peur : comme si évoquer un doute allait déclencher un éboulement. Mais des questions, j’ai besoin de m’en poser et je m’en pose tout le temps. Sans doute trop puisqu’elles sont la raison pour laquelle la nuit je regarde souvent les étoiles au plafond au lieu de dormir mais en attendant, elles sont là et je ne sais pas quoi en faire et je ne sais pas bien comment leur trouver des réponses.
Autour de moi, de plus en plus de personnes annoncent attendre un enfant, dont nos meilleurs amis et je crois que c’est vraiment ce qui m’a le plus chamboulée (je suis évidemment infiniment heureuse pour eux et ai pleuré 2 fois lorsqu’ils nous ont annoncé la nouvelle par Visio, c’est nul la distance dans ces moments là) tant ça m’a fait l’effet d’une petite claque de rappel parce que le temps file et qu’il faudra bien à un moment donné prendre une décision. Et puis il y a eu Yasmine qui en a parlé dans sa dernière infolettre alors tout ça, ça fait beaucoup. J’ai toujours eu en tête un cap d’âge à ne jamais dépasser, une frontière invisible. Je sais bien ce que vous pourriez vous dire en me lisant “ça ne sert à rien de se mettre de pression” et je suis d’accord… et en même temps pas vraiment. Lorsque j’ai passé les 30 ans, cet anniversaire m’a rappelé qu’il restait 10 ans avant ce cap là. Je trouve très difficile de voir mes parents vieillir et de savoir que le temps file. Mes parents m’ont eue à passé 40 ans (pour des raisons particulières), les parents de Flavien également et c’est quelque chose que j’ai toujours très mal vécu. La différence d’âge n’est pas quelque chose que l’on peut contrôler : c’est un fait, mes parents sont âgés, plus âgés que la plupart des parents de nos amis (tellement que je trouve ça fou quand des amis me parlent de leurs grands-parents tellement ça me semble improbable d’en avoir), y compris des amis plus âgés que nous et si l’on devait avoir un enfant je ne voudrais surtout pas faire subir ce gap qui aussi bien en terme d’écart générationnel que de santé est compliqué à gérer. Je crois d’ailleurs que je n’ai même pas envie d’être convaincue sur ce sujet, c’est l’une de mes rares certitudes et j’y tiens. Alors ma frontière invisible elle est là parce que je la connais et que je ne veux pas m’y heurter. Et puis à côté de ça, je m’étais toujours dit que je ne voulais pas avoir d’enfant tant que ça n’irait pas mieux, pas tant côté dépression mais côté fondations mentales retapées.
Et ça va mieux, tellement mieux que j’ai pu commencer à en parler à ma psy à ma dernière session et que ça ressemblait à l’une de ces rares séances pour moi où l’on parle de la vie d’aujourd’hui et de demain plutôt que de problématiques compliquées.
C’était une session qui avait un air d’espoir et de grande fenêtre ouverte vers l’avenir plutôt que de boites de cartons déballées pour en observer leur contenu passé.
Alors quoi ? Je sais bien que l’on a rarement un déclic, un moment où l’on se lève un matin en se disant “je suis prête”, mais comment on fait pour décider que la vie que l’on a là nous a suffit et qu’il est temps de passer à une autre vie. Pas comme “c’est le cycle normal de la vie, personne ne doit y couper”, mais plus “tiens ça me dirait bien parce que j’en ai envie et pas parce que la société nous suggère, nous pousse même, que faire autrement serait étrange”. J’ai toujours été assez à l’aise avec ça : très honnêtement ce que la société veut de nous je m’en contrefous. Je crois que ça a à voir avec ce qui fait aussi que je travaille à mon compte : je déteste que l’on me dise ce que je dois faire et je n’aime pas l’idée d’avoir des supérieurs hiérarchiques. Alors que la société nous indique ce qu’elle veut de nous c’est, pour une fois, moi qui suis plutôt flippée de ce que l’on peut penser de moi, le cadet de mes soucis.
Je suis illustratrice à mon compte, pas le métier le plus stable du monde, je me pose plein de questions y compris des questions d’ordre hyper pragmatique : notre appartement n’est pas très grand, où est-ce que je travaillerais, mon bureau est la seule pièce où il y a de la lumière et évidemment qu’elle deviendrait une chambre d’enfant, elle serait super mignonne en chambre d’enfant elle est toute petite et cosy. Est-ce que j’aurais envie un jour de retourner vivre en France ? Et avec mes parents qui vieillissent, il y a ça à prendre en compte aussi. Est-ce que j’aurais envie de mettre du papier peint sur un mur ? Le monde se casse la gueule autour de nous et lever la main tendue semble devenir de plus en plus acceptable, visiblement c’était complètement faux quand on disait Plus jamais ça. Est-ce qu’on a assez d’argent pour faire grandir une nouvelle vie, est-ce que ça n’est pas trop stressant en ayant un métier sans revenus vraiment fixes ? Est-ce que puisque je suis celle du couple à être à mon compte ça ne va pas être moi qui vais vraiment le plus en pâtir et devoir dire au revoir à une grosse partie de ma vie (probablement que oui, dans une certaine mesure…) ? Est-ce que je suis capable tout simplement ? Je sais bien que l’on est plein dans ce cas, qu’il y a tout un tas de personnes qui font le même métier que moi qui ont réussi à faire en sorte que ça fonctionne. Et puis à côté, je commence à me dire que je suis capable de donner ce que je n’ai pas eu et que je sais que c’est possible. Mais tout de même, de quoi l’avenir est fait ?
Voilà de quoi sont faites mes journées, à côté de mes petites peintures, de mon travail et de l’hiver qui n’en est qu’à ses débuts par ici quand je commence déjà à lire sur des stories Instagram que “ça sent le printemps” en France (je rage, mais je savais à quoi m’attendre hein 🤡). Je sais que c’est un sujet global et j’aimerais vraiment en discuter avec vous, que vous ayez les mêmes questionnements ou pas, pas forcément pour trouver des réponses mais parce que si j’écris sur internet c’est pour ça aussi. Pour partager des interrogations qui je le sais sont aussi celles de plein d’autres personnes et parfois, partager c’est se créer une petite bulle de réconfort, c’est désamorcer des questionnements qui nous font peur et nous paraissent insurmontables pour les mettre à plat et peut-être les regarder différemment. Vous savez, lorsque l’on écrit quelque chose, tout à coup cette chose change complètement, comme si la mettre sur papier (virtuellement ou non) la rendait réelle et moins grande à la fois en nous faisant d’une manière ou d’une autre prendre un peu de distance.
Est-ce que l’on trouvera vraiment toujours toutes les réponses à nos questions ? Non, mais les étoiles continueront de briller.
En vous écrivant, j’ai aussi écouté…
Comme d’habitude, mille mercis pour le temps que vous prenez dans votre journée pour me lire. Vous êtes un peu plus de 1800 à me lire et c’est fou, j’en suis super reconnaissante et ça a vraiment beaucoup de valeur à mes yeux tant je sais que l’on a vraiment tendance à privilégier les formats courts et rapides à consommer.
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J’ai relancé le mois dernier un format intitulé Carte postale, un format uniquement consacré à ce que j’ai lu/vu/écouté/créé pour regrouper à un seul endroit, une fois par mois, toutes mes découvertes et ce que j’ai envie de vous partager. Je trouve ça plus pratique et surtout, j’aime bien tout bien compartimenter proprement tout en évitant que cette newsletter ci (celle que vous êtes en train de lire) ne soit trop longue) !
Carte postale #2 - J'ai acheté une grande boîte de crayons de couleurs
Bonjour bonjour ! J’espère que vous allez bien pour ce début de nouvelle année et que vous parvenez à reprendre un rythme qui vous convienne (si ce post est trop long, je vous invite à aller le lire en ligne, il se peut que votre client mail si vous le lisez depuis ce biais le coupe avant sa fin !)
Bonjour Florence,
C'est toujours un réel plaisir de te lire. Ton écriture est tellement agréable, fluide. Merci beaucoup de ces écrits que tu nous offre chaque premier du mois.
J'ai été très touchée que ce que tu nous partage concernant tes questionnements sur la parentalité. Nous étions à 3 mois de partir vers Montréal pour notre PVT quand un petit bébé a décidé de s'installer au creux de mon ventre. Un vrai bouleversement bien évidemment, surtout pour une personne comme moi qui avait presque envisagé l'idée de ne pas avoir d'enfants. Suis-je capable ?
Un parcours de diagnostic d'autisme (que c'est long en France, dossier en cours depuis 2021...) donc mille questions me sont venus sur ce sujet, la gestion de mon hypersensibilité, la gestion d'un autre être humain tout simplement. Quelle repsonsabilité!
Aujourd'hui, mon bébé a 7 mois et si mes mots peuvent t'aider alors voici...
On n'est jamais prêts. Nous ne sommes jamais prêts à vivre ce grand bouleversement d'une vie. Je dis souvent qu'avoir un enfant est un don de soi. Il y a des grands moments de doute, de larmes, de peurs. Mais la vie prend un tel tournant que souvent je me demande comment ais-je fait avant sans mon enfant. L'amour rend les choses plus fluides, plus douces et faciles malgré tout. On se découvre une force et une solidité dont nous n'avions pas conscience. La vie prend un sens, tout simplement. J'ai souvent traversé des moments de dépressions par le passé, mais je reste persuadée que même si la maternité est difficile physiquement et mentalement, elle nous fait renaître réellement. J'ai donné naissance à mon enfant mais elle m'a fait renaître. Elle m'a permis de me découvrir à l'état brut. Cette expérience est de loin la plus incroyable de ma vie.
Tu es forte Florence, bien plus solide que tu ne le crois.
C'est une vaste question que celle d'être prêt à être parent. Si c'est bien ça ton questionnement, je dirais qu'on n'est jamais vraiment prêt et qu'avoir un enfant est un vrai chamboulement. Mais l'humain a cela de formidable qu'il s'adapte... même si ce sont aussi beaucoup les femmes qui s'adaptent... Après avoir des enfants est une aventure incroyable, pas toujours facile mais enrichissante et de manière différente en fonction de l'âge de l'enfant. Voilà je ne sais pas si mon commentaire t'aidera !