No. 19 Se lever française, se coucher canadienne
Saison 2, épisode 6 - Le jour où j'ai prêté serment au Roi et où j'ai ajouté à ma minuscule collection de passeports un passeport bleu sombre
Hello ! Je suis Florence, illustratrice et photographe vivant à Montréal depuis 2018. Au quotidien j’aime aussi écrire et partager ce à quoi je pense : vous savez, toutes ces pensées qui tournent en boucle lorsque l’on s’endort ? Ici, c’est ça ! Je suis ravie de vous voir ici alors merci de partager ce moment avec moi ! Pour me soutenir vous pouvez vous abonner à ma newsletter et en choisissant un abonnement payant, vous contribuez directement à me soutenir et à faire perdurer cet espace d’écriture.
Pendant que j’écrivais cette newsletter j’ai notamment écouté…
Le 12 juillet dernier, je suis devenue Canadienne
Petite, je vivais dans une région qui était proche de frontières avec d’autres pays.
J’ai toujours trouvé ça amusant lorsque l’on allait se balader proche de celle collée à l’Italie de pouvoir, en un seul grand pas, se retrouver dans un pays puis de revenir dans le nôtre, comme ça, tout aussi simplement que de jouer à la corde à sauter ou bien à l’élastique. Je trouvais ça fascinant cette possibilité de marcher comme une équilibriste sur une ligne invisible et de jouer à passer d’une part et d’autre de la frontière : une seconde j’étais en France, l’autre en Italie et tout ça, sans même que cela ne puisse se voir. Tout changeait et rien vraiment en même temps, il ne s’agissait que de l’affaire d’un pas ou deux. L’air sentait toujours l’herbe chaude de l’été, le vent des Alpes continuait de souffler doucement, les chardons continuaient de doucement piquer les doigts de la même façon, les marmottes ne semblaient pas bien différentes elles non plus et pourtant, la frontière était là, présente et invisible à la fois. J’étais en France, puis en Italie, tout ça en une infime seconde et à quelques centimètres près, seule une borne frontière faite dans un morceau de roche gravé nous servait de repère, indiquant d’une lettre de quelle côté de la frontière nous étions à ce moment là.
Le 12 juillet 2024 dernier j’ai renouvelé cette expérience, mais cette fois d’une manière un peu différente.
Il ne s’agissait cette fois pas de frontière géographique mais d’unité de temps. De quelques minutes seulement. Lorsque le matin je me suis réveillée j’étais Française et le soir, lorsque j’ai regagné mes draps de lin vert et posé mes lunettes sur ma table de chevet avant de fermer les yeux, j’étais Canadienne. Tout avait changé, et rien en même temps. Tout comme je jouais enfant à passer d’un côté puis de l’autre sur des frontières imaginaires sans même que cela ne puisse se voir, ce jour là j’ai désormais eu deux nationalités et… cela ne se voit pas non plus, ni hier ni aujourd’hui.
Alors c’est lorsque j’ai prêté serment, la main droite levée en répétant mot après mot, en français d’abord, puis en anglais, puis que j’ai ensuite chanté mon nouvel hymne en même temps que 113 autres personnes et 52 nationalités différentes, en français d’abord, puis en anglais, que tout a changé mais rien vraiment en même temps.
J’ai beau y penser depuis de toutes mes forces, je n’arrive pas à percevoir une quelconque nuance physique, palpable, un changement de vent, une lumière différente. Ma peau est la même, ma voix aussi, les rues sont les mêmes, les saveurs aussi et pourtant la vie s’est un peu métamorphosée. Pendant plusieurs semaines avant je me demandais si j’allais ressentir quelque chose de différent, si il y allait y avoir un marqueur notable qui allait me donner cette vraie impression que quelque chose avait changé. Et puis pas du tout. Je ne suis désormais plus uniquement française, et lorsque j’ai eu entre mes mains mon passeport bleu sombre aux armoireries Canadiennes dans lequel sont écrits mon prénom, mon nom et ma date de naissance et toutes ces informations qui n’appartiennent qu’à moi et mon identité, j’ai eu sous les yeux cette preuve palpable que je ne parviens pourtant toujours pas à discerner pour le moment. Ce n’est pas que ça me fait rien bien au contraire, mais rien n’a changé et tout en même temps.
Il y a quelques mois à peine, au début de l’été, il y avait un côté un peu tragicomique d’être en passe d’obtenir une nouvelle nationalité alors même que l’immigration était (est toujours, rien n’a changé depuis bien entendu) sur toutes les lèvres de l’actualité, qu’elle soit nationale en France ou internationale (bien malheureusement, le fait que tous les maux du monde soient mis sur le dos de l’immigration est une ritournelle plutôt classique et ce peu importe le pays) et que la légitimité de la binationalité était prononcée à demi-mots. Et depuis les Jeux Olympiques ont commencé puis se sont arrêtés et cette question du patriotisme et de la fierté de son propre pays était encore plus particulière, mais était cette fois teintée d’une vraie joie, de celle que l’on devrait toujours ressentir en pensant aux couleurs de notre drapeau. Mais alors, qu’est-ce qui fait que l’on se reconnait dans une certaine nationalité et encore plus, dans la nationalité avec laquelle on nait ?
Décider d’aller vivre ailleurs que dans son pays d’origine c’est emporter parmi les quelques paires de chaussettes soigneusement pliées dans notre valise un grand bout de notre culture. C’est notre identité, notre histoire, nos références culturelles, les dessins animés que l’on regardait lorsque l’on était enfants, les publicités à la télé, Maurice qui pousse le bouchon trop loin, le globe terrestre qui tourne de nouveau en tombant sur l’Australie, pas de bol mais c’est le jeu ma pauvre Lucette, ce sont nos normes sociales, nos habitudes, notre façon de dire bonjour, de se regarder dans la rue, de pencher la tête en croisant un inconnu dans la rue en signe de salutation, c’est ce débat un peu bête entre différentes façons de désigner une même viennoiserie, ce sont les moments de fierté nationale, cette étoile dorée puis cette deuxième remportée et cette obsession à vouloir dire que l’on est le pire pays du monde, juste comme ça sans raison. Ce sont les grand récits familiaux pour les personnes qui en ont la chance, les évènements historiques partagés qu’ils soient heureux ou tragiques, ce sont toutes ces choses, ces détails, ces dates, ces souvenirs partagés entre des millions de personnes ne se connaissant mais qui forment entre elles un socle qui les fait qu’elles le veuillent ou non appartenir à un territoire.
Partir vivre à l’étranger c’est conserver un petit bout de ce socle avec soi-même sans que l’on ne s’en rende compte. Cela arrive fréquemment que des personnes partant vivre à l’étranger arrivent sur le territoire avec la ferme certitude qu’elles vont rebâtir leur vie ailleurs, qu’elles vont s’intégrer de la meilleure manière qu’il soit au nouveau pays dans lesquelles elles arrivent, comme si mettre les pieds dans un nouveau pays effaçait notre ardoise culturelle pour la remplacer. Toutes pleines d’idées figées, bien souvent après quelques semaines, quelques mois ou années la réalisation que tout cela est un peu plus complexe que cela fini par émerger et bouleverser ces certitudes. Je souhaiterais que toutes les personnes qui mènent un combat acharné contre l’immigration expérimente rien qu’une fois dans leur vie ce que cela fait, de vivre ailleurs. Lorsque c’est choisi c’est une nouvelle adaptation incroyable, même lorsqu’une même langue est partagée, alors lorsque ce n’est pas souhaité, que ce changement de territoire est provoqué par la fuite d’un pays et non pas par l’envie d’ailleurs, imaginez un instant la rupture que cela doit être.
Le sentiment d’appartenance à un territoire n’est je trouve pas quelque chose qui se choisit, il s’agit de quelque chose de tellement subtil et changeant à mes yeux qu’il est difficile de le forcer. Il peut se provoquer un peu mais tout comme l’on ne peut pas réellement choisir les personnes que l’on appréciera ou non, ce sentiment là est à mes yeux tellement particulier qu’il est difficile d’avoir le contrôle dessus. Cela fait 6 ans désormais que je ne vis plus en France, et 6 ans désormais que je vis au Canada et encore plus précisément au Québec et honnêtement, je ne sais pas bien comment je me sens tant ces changements ne sont pas vraiment palpables.
Vivre ailleurs que dans son pays, c’est perdre un peu de la stabilité qui nous fait nous dire que l’on sait parfaitement à quel endroit l’on appartient. On se sent un peu entre les deux et c’est un sentiment tellement particulier tant il oscille constamment selon les périodes. Pour ma part, je ne suis pas quelqu’un particulièrement rempli de certitudes. Je me remets beaucoup (trop) en question, je réfléchis sans arrêt, je me pose des questions et je remets en cause assez fréquemment, vraiment trop, la vie et la mienne en même temps. Avec Flavien, la personne merveilleuse qui partage ma vie depuis 10 ans, on s’était dit “l’objectif c’est de devenir citoyens, après, on verra”. On est à cet après et je ne sais pas du tout. J’adore ma vie ici, j’aime énormément Montréal, mais je sens bien parfois que l’Europe me manque. Ses paysages, sa facilité de se déplacer, son coût de la vie qui, je le sais bien a augmenté, est tout de même un peu moins élevé que par ici depuis la pandémie et son atmosphère toute particulière un peu compliquée à décrire mais que l’on ressent tout de même lorsque l’on y prête attention.
Est-ce que je me sens Canadienne ? Oui et en même temps, je ne sais pas trop et je trouve qu’à cette question, la réponse n’est pas aussi simple qu’un Oui ou un Non.
J’y vis depuis quelques années, je comprends son système politique, je sais comment le pays fonctionne, je connais son histoire et encore plus, je comprends pourquoi il est si important pour le Québec de continuer de se battre pour préserver son identité, je suis émue lorsque j’entends son hymne et j’ai eu la gorge serrée d’émotion lorsque j’ai prêté serment et chanté en coeur avec tant d’autres personnes, j’y ai désormais le droit de voter et d’en être une citoyenne complète, mais pourtant mon identité première est et je pense sera toujours rattachée à mon pays de naissance. Et tout comme les années passent, je vieillis et mes envies changent en même temps, je sens et sais que plus le temps passera et plus j’aspirerai à plus de tranquillité et cette incertitude concernant l’avenir me fait souvent me questionner.
Est-ce que mon avenir est ici ou est-ce qu’il arrivera un moment où je me dirais “ j’ai envie de vivre de nouveau en France” ? Je ne suis pas quelqu’un qui a des plans de vie préparés sur 2, 5, 10, 20 ans. Mais je ne suis pas non plus particulièrement à l’aise avec le fait de ne vraiment pas du tout savoir, ne serait-ce que l’esquisse de l’avenir alors je vais plutôt me réjouir de cette nouvelle grande étape de vie et opter pour le fait de voir où la vie nous mènera, jour après jour.
Alors en attendant, je vais continuer d’avoir le coeur gonflé en entendant mon nouvel hymne, trouver ça toujours incroyable de voir flotter ce grand drapeau rouge et blanc au détour d’une rue et puis je vais profiter de ce nouveau passeport bleu sombre pour ne plus devoir poser un pied en dehors de la voiture à la frontière avec les USA et y aller voir prochainement les couleurs automnales pour profiter un jour à la fois et puis pour le reste, on verra bien.
Octobre est enfin là !
Nous sommes le 1er octobre et avec lui vient un évènement que j’attends chaque année avec grande impatience ! En 2021 puis en 2023 j’ai participé à ce qui s’appelle l’Inktober, un challenge illustré créé en 2009 et initialement fait pour dessiner chaque jour à l’encre en suivant une liste de mots. Depuis il a bien évolué et plein de personnes proposent leurs propres listes à suivre ! Ce n’est pas mon cas, de mon côté j’adore sauter d’une liste à une autre (un jour peut-être que je proposerai ma propre liste ?) principalement parce que je suis incapable de faire des choix et que j’aime beaucoup trop m’offrir le maximum de choix possibles et je suis absolument ravie de m’y joindre pour la 3ème année (pas consécutive).
Pour aller voir mes présents challenges je les ai tous répertoriés sur mon Portfolio sur une page dédiée à celui de 2021 ainsi qu’une dédiée à 2023.
Et pour suivre tous mes petits posts de cette année ce sera sur mon compte Instagram d’illustration, généralement pour tenir la durée je ne poste que durant les jours de la semaine et ne dessine pas le week-end, c’est ma formule idéale pour tenir tout le mois et ne pas finir complètement sur les rotules à devoir à la fois dessiner tous les jours pour le challenge tout en dessinant tous les jours pour des projets clients. Je suis ENFIN sur un gros projet client en ce moment après des mois et des mois de disette (🎉) alors clairement, cette année ce sera d’autant plus important de me préserver et de considérer de nouveau ce challenge comme un vrai marathon plus que comme une course !
En ce moment, je regarde…
Des années après tout le monde je me suis enfin mise à regarder Desperate Housewives ! La série est disponible sur Disney+, ça fait des années que j’en ai envie mais j’aime toujours bien commencer des séries quand je trouve qu’une période s’y prête bien. L’automne je trouve ça plutôt idéal et je suis donc ravie de m’être lancée. Pas de spoil s’il-vous-plait, je ne connais absolument RIEN de la série et je compte bien continuer sur cette lancée jusqu'à la toute dernière saison ! Je suis ravie chaque soir de poursuivre mon exploration de la série, j’en suis à la fin de la première saison à peu près et pour le moment, j’adore.
Mon prochain livre à lire…
Comme à peu près le monde entier j’ai évidemment couru acheter Intermezzo, le dernier livre de Sally Rooney et il est passé tout en haut de ma pile à lire. J’ai beaucoup moins lu cette année par rapport aux années précédentes : pas l’énergie, des soucis personnels à régler, pas l’envie… c’est pas très grave, la lecture ne devrait jamais être forcée alors ça reviendra bien à un moment ou à un autre. En attendant je suis ravie d’avoir cette option de lecture entre les mains, j’adore la plume de l’autrice, j’aime toujours beaucoup ses récits et sa manière de construire ses personnages alors il me tarde de tourner un peu plus les pages de ce nouveau roman.
Merci beaucoup de m’avoir lue comme toujours, on se dit à très vite ? ❤️
En vous écrivant, j’ai aussi écouté…
J’ai à cœur de faire de ce Substack un espace de partage et de conversation et pour ça, j’aimerais beaucoup lire vos pensées alors n’hésitez pas à réagir via l’espace de commentaires ci-dessous !
Si heureuse pour vous 💗
Pour avoir toujours un pied dans les Hautes-Alpes, je partage ce bonheur des promenades à la frontière entre la France et l'Italie ✨